Paul-Louis Flandrin aura le plaisir de vous accueillir le jeudi 29 novembre 2012, 158 rue de Grenelle 75007 Paris, pour découvrir “La revanche” la première exposition personnelle de Clarisse Tranchard une proposition Hue Dada de Francine Flandrin. Exposition du 30 novembre 2012 au 15 janvier 2013.
La revanche
Quel est ce monde étrange, queer et bucolique ?! Cette orfèvrerie issue du vaissellier de Genesis P-Orridge ? Cet assemblage Hue Dada où Bambi terrorise le chasseur, les sangliers sont farcis aux stupéfiants et les cocktails performent champagne et Viandox ?!
Tête pensante des QQQOC (avec Mélanie Martinez-Llense, Nicole Miquel et Maud Thomazeau) - ces greffons pathogènes d’évènements : clôture de la fashion-week avec défilé de serpillères, “exhibition” photographique sous le manteau dans le hall d’accueil de Paris Photo - , Clarisse Tranchard fabrique dans son atelier, des objets que seul un esprit dérangé peut concevoir instinctivement. Dérangement, dérégulation et chaos composent son œuvre ; s’appropriant ce qui nous entoure, elle réétablit un équilibre qui lui est propre. Tatouée de culture punk, elle compose ses fabriques sauvages pour conjurer la fantastique gueule de bois de notre génération[1]. Adepte des minorités ou des majorités, elle est de la loi du plus faible, celui qui pour se construire en sujet s’organise, « don’t panic, let’s organize ! » criera-t-elle à sa bande de tétards guêtée par un léopard, à n’en pas douter, il y a de l’antispécisme dans cette fille là ! Indignée de la plastique, elle secoue les modes opératoires qui nous agissent et les inversent dans une équité mordante.
Alors oui, c’est étrange et ça demande une sacrée gymnastique de l’esprit, mais c’est le bénéfice de cette revanche au Viandox : nous propulser dans un orbite libertaire.
Les faisans sont armés ? Profitons-en !
Francine Flandrin
CLARISSE TRANCHARD
Plasticienne, vit et travaille à Aubervilliers.
Entre en 1985 aux Beaux-Arts du Havre et ressort dix ans plus tard à L’ENSAD Paris.
2001, elle devient résidente permanente à la galerie La Périphérie - chez Martine Camillieri & Berndt Richter, à Malakoff -.
En 2007, entre scénographies - MAJE, BETC, VANESSA BRUNO… - et expositions collectives, elle obtient un atelier-logement par le service culturel de la Ville d’Aubervilliers.
2009, elle rencontre Mélanie Martinez-Llense, leur collaboration devient Les Martine et scénographie “Where the wild Things Are ?” un spectacle co-écrit et joué sur la scène nationale du Volcan, le Havre. L'aventure continue avec le collectif QQQOC - Mélanie Martinez-Llense, Nicole Miquel, Maud Thomazeau, Clarisse Tranchard - qui sévira à Paris-Photo, à l'Hôtel Particulier Montmartre – curatoriat Mehdi Brit -, à la galerie LA B.A.N.K., lors du festival Frasq au Générateur…
En 2010, elle crée une installation pour la Nuit Blanche, à Aubervilliers.
En 2012, “Dancefloor Performatif”, sa vidéo-performance, est programmée lors du vernissage de Show Off.
where-the-wild-things-are-casting-video
qqqoc-jeu-concours-video
qqqoc-maison-close-hotel-particulier
Hate is love – 2012
Love is hate - 2012
INTERVIEW
Clarisse Tranchard par Mehdi Brit in "Revue Diapo".
Courtesy "Revue Diapo" et Mehdi Brit.
De l'Ecole des beaux-arts aux Arts Déco, Parles-nous de tes premiers pas artistiques...
À 17 ans, sans le savoir, sans pouvoir le formuler clairement, j’étais en rupture avec le système scolaire, familial… Je suis rentrée aux Beaux-Arts un peu par hasard, en guise de thérapie. J’ai eu l’impression d’arriver quelque part, ça a été l’école de la vie. Il y avait une grande liberté, avec des profs « copains », J’ai pu toucher une grande variété de techniques, surtout traditionnelles, gravure, mosaïque, lithographie, sérigraphie… J’ai tout de suite travaillé sur des formats à mon échelle, du « grandeur nature » : en effet nous avions la chance de faire quatre heures de cours de nu par semaine « taille réelle » ! La peinture était tellement sacrée pour moi (je me refusais de peindre à l’huile), que je me suis tournée assez rapidement vers la sculpture et les installations. Pour mon diplôme, j’ai fini par m’emparer de la caméra vidéo de la section « Communication » et j’ai produit des images que j’appelleraient « plastiques » : à l’époque nous n’avions même pas de banc de montage, je bricolais en refilmant les images sur des écrans, j’obtenais des images « liquides »… À la fin du cycle, j’avais 22 ans, toujours aussi éloignée du système en général, ne sachant pas comment vivre de ce que je faisais, j’ai décidé de continuer mes études (pour quelqu’un qui n’a pas son Bac..), et je suis rentrée aux Arts-Décos parce que c’était l’école publique la moins chère et surtout, c’était à Paris. J’ai d’ailleurs continué en section vidéo, mais c’était très scolaire, avec un département assez mal géré, tout tombait en panne en permanence, on était trop d’élèves et pas assez de matériel.. J’ai fini par me diriger vers la section design mobilier où je me suis dit, qu’au moins, je pourrais bricoler un peu. Il y avait ce côté manufacturé que j’avais besoin de retrouver.
Artiste ou designeuse ? Comment lies-tu les deux pratiques ?
La définition de l’artiste selon Wikipédia : « Un artiste est un individu faisant (une) œuvre, cultivant ou maîtrisant un art, un savoir, une technique, et dont on remarque entre autres la créativité, la poésie, l'originalité de sa production, de ses actes, de ses gestes. Ses œuvres sont source d'émotions, de sentiments, de réflexion, de spiritualité ou de transcendances. ». Voici bien aujourd’hui le discours que l’on peut retrouver en parlant des designers et du design désormais nichés dans des galeries d’art contemporain. Pour moi, designer est un « non-terme », évanescent, qui ne dit rien de plus que « dessinateur/trice», cela concerne du coup beaucoup de monde, même des « amateurs ».. D’ailleurs je ne dessine presque pas, je prends des notes, j’écris des phrases, des mots, voici ce qui amorce l’ensemble de mes projets. . J’ai abordé le design comme je me colle à une peinture ou à une installations, avec de l’affect et du temps. Lorsque j’étais étudiante, c’était plutôt décalé…
A part des soirées inoubliables, que fais-tu et que produis-tu dans ton très grand atelier d'Aubervilliers ?
Dans cet incroyable endroit que j’ai une chance inouïe d’habiter, je me promène, stagne, monte et descend les escaliers, jardine, dors, mange, bois, fais l’amour, regarde des films, lis des livres et fais des fêtes avec cette envie que les gens se rencontrent, que des émulations se produisent, des projets naissent... De temps en temps, je fabrique. L’artiste « plasticien » est un artiste qui a besoin d’un espace pour pouvoir exercer son métier, à l’exception de quasiment tous les autres métiers artistiques… Je me dois aussi de partager cette opportunité.
Tu es DA(directrice artistique) sur de nombreux projets avec des marques de luxe...et tu dis « Un évènement se caractérise par une rupture sur le cours des choses. Il possède un caractère peu commun, voire exceptionnel. », j'aimerais comprendre...
C’est la définition même de l’événement, il permet une ouverture ou plutôt une ré-ouverture sur la réalité. C’est le cas typiquement de la fête par exemple, de l’exposition. Dans la théorie de la relativité, l’événement est un point dans l’espace-temps, un moment si particulier qu’il en émane une sorte de « sacré » puisque célébré... La performance est sans doute l’ultime événement, puisqu’elle est en mouvement sur elle-même, interagissant avec son environnement.
Finalement, de tes sculptures composites aux performances transgressives en passant par la peinture et le luxe, tu n'es pas une feministe ?
Je ne pense pas rechercher cette identité et/ou revendication, il s’avère qu’elle croise mon travail, mais pas forcément. Je pense être plutôt être dans une recherche de rapport d’être humain à être humain, cogner des identités pour mieux les dissoudre dans des questions, des embarras.. Je dirais même que je me situe au-delà du féminisme, vers l’antispécisme, si cher à Patricia Allio. Le féminisme n’est qu’une étape intermédiaire dans le combat que nous devrions mener afin d’améliorer notre qualité de vie générale par rapport à notre environnement en renonçant au « tout-pouvoir ».
Et le QQQOC dans tout cela ?
Le QQQOC est mon grand chouchou ! Ce collectif que nous avons monté Mélanie Martinez-Llense, Nicole Miquel, Maud Thomazeau et moi, est une très belle aventure humaine, en partie féministe s’il en est. Je suis très fière de tout ce que nous avons accompli jusqu’à maintenant, sans moyens, avec juste la sensation de faire quelque chose d’un peu bien. Sans remords ni regrets pour aucunes des actions que nous avons exécutées avec cœur, pour le moins, quand ça n’était pas avec cul (cf l’Hôtel Particulier !!). Quelle chance de pouvoir avoir encore la place de faire tout cela. Et quand nous ne l’avons pas, nous la prenons !! (cf Paris Photo). En fait nous sommes des résistantes, avec joie. Le parti pris des « tout-contre évènements » que nous avons saisi dès le départ de nos actions en dit long sur notre volonté d’être une sorte de greffon pathogène et nous l’espèrons, extrêmement contagieux.
Quand et comment as-tu eu l'idée et le désir de participer au projet d'un collectif ?
J’ai toujours tenté de faire des projets collectifs : organiser une bande dans la cour de l’école, monter des cabanes en bouses de vache, remonter l’association des élèves des Beaux-Arts qui était en berne… Le collectif est un réflexe humain, nous grands singes, nous ne sommes pas fait pour nous accomplir seuls. Je pense que précisément dans cette époque contemporaine, nous devons développer les actions collectives, même si elles sont temporaires. Qu’importe la longévité des équipes, ce qui compte, c’est de faire ! Il nous faut retrouver le désir d’inventer cette société aux abois, mourante. Voilà bien la real politic, celle du désir, de l’élan de vie et de la ré-appropriation de la réalité. À partir de ce postulat, nous pouvons raisonnablement espérer que beaucoup de choses peuvent changer.
QQQOC, À poil ! - La Générale, Paris - 2010