Paul-Louis Flandrin aura le plaisir de vous accueillir mercredi 12 juin 2013, 158 rue de Grenelle 75007 Paris, pour découvrir “Banquet, un investissement de l’excès” une exposition sybaritique avec Corinne Fhima, Emmanuel Giraud, Charles Heranval et Agnès Propeck, proposée par Francine Flandrin.
Banquet, un investissement de l'excès
Dans “L’art d’être heureux”, Schopenhauer inscrit comme trente-sixième règle : "Pour ne pas devenir malheureux, le moyen le plus sûr consiste à ne pas réclamer de devenir très heureux, donc de ramener à quelque chose de très modéré ses prétentions au plaisir […]"[1].
Décroissance oblige, la pensée de Schopenhauer ressurgit, l’excès est une question. Faut-il le bannir, le pratiquer ou l’ignorer ?
Dans ce lieu dédié à l’épicurisme et aux amphitrions contemporains, Corinne Fhima, Emmanuel Giraud, Charles Heranval et Agnès Propeck révèlent des rapports à la nourriture pointant la démesure. Entre transgression, amusement, prise de conscience et détournement, ils démontrent que ce qui arrive et s’oppose au désir de jouissance importe infiniment moins que la façon dont on l’éprouve.
Autour de l’alimentation et ses pratiques contemporaines, cette exposition ne propose ni collation de la Renaissance, ni fête baroque ou souper exquis du XVIIIe, mais un plat de résistance, avec mises en bouche pour y réfléchir et ingrédients pour y remédier.
[1] In “L'art d'être heureux", Arthur Schopenhauer, éditions du Seuil, collection Points, Essais, p.86
Francine Flandrin
Eve waiting for love, caddie hauteur 60 x 43 cm, Corinne Fhima, 2012
Entre bandage et rôti, poulette sous cellophane à emporter, déjà ficelée, Eve waiting for love est un élément d’une série intitulée Eve series.
L’excès, 10 façons de le préparer
Emmanuel Giraud, Éditions de l’Épure, 2013
EMMANUEL GIRAUD
Ancien pensionnaire de la Villa Médicis, diplômé du Studio National des Arts Contemporains du Fresnoy, grand prix du rhum, Dottore in golosità, Emmanuel Giraud s’insurge : “les vrais gourmands se demandent, effrayés, s’ils ont encore le droit de se mettre à table (...) Ah ! Qu’ils semblent loin, les temps bénis où l’embonpoint avait une valeur sociale, où la pratique de tous les excès et l’abstention nonchalante de tous les sports étaient les secrets d’une bonne santé, où un duel à mort pouvait se régler à table, et où le facétieux Grimod de la Reynière professait que “le grand point [était] de manger chaud, proprement et beaucoup”.
À l’instar de Gérard Oberlé, l’auteur “regrette l’époque où “une ordonnance contre la crise de goutte avait valeur de décoration” !”
Ce livre est un pamphlet contre l’hygiénisme ambiant, une défense et une illustration de l’excès à table.
Genius in a bottle, Charles Heranval, 2013
CHARLES HERANVAL
Charles Heranval a grandi dans les senteurs de la cuisine Vietnamienne, Méridionale et Normande. Dès son plus jeune âge, son palais a expérimenté des mets à la fois sophistiqués et raffinés, simples et savoureux, riches et abondants. Sa culture gastronomique l'a très vite guidé vers les plaisirs de la vie d'artiste, les voyages, les grandes tablées, les échanges d'idées et enfin les savoir-faire avec d'autres épicuriens comme lui. La recette de son inscription en tant qu'artiste se résume par trois principaux éléments : le contexte, la matière et la dimension poétique de l'œuvre. Sa recherche est essentiellement fondée sur l'hic et nunc, car c'est ici et maintenant que tout a un sens, que tout prend corps et âme.
Depuis le printemps 2010, Heranval s'est rapproché d'un discours plus naturaliste. Quittant Venise pour le Tessin, il s'installe à Muralto où il découvre les méthodes de l'agriculture biologique selon Rudolf Steiner, à savoir jardiner avec la Lune et associer les plantes entre elles afin de générer un biotope sain et indépendant. Cette expérience lui a permis de vivre un cycle naturel d'un an de plus d'une cinquantaine de variétés de plantes autochtones et importées d'Amérique du Sud. Le fait de planter une graine, de prendre soin de la croissance de la plante, d'en récolter ses fruits (et ses nouvelles graines), puis de recycler ses résidus dans le compost, cela lui a ouvert les yeux sur une chose élémentaire : l'alimentaire. Nous sommes effectivement ce que nous consommons. Dès lors, l'artiste se consacre quotidiennement à cette hypothèse que c'est dans la conservation du vivant que vient la conversation du vivant, et vice versa.
L'installation Genius in a bottle témoigne ici de l'importance de cette conservation, à l'heure où se développe un monopole mondial et une diffusion dangereuse des semences transgéniques, mettant en péril les terres cultivables et la santé de tous. Cet investissement dans la préservation du vivant est long et complexe, mais il est vital et urgent. Il est question d'une œuvre sensible sur l'infini et son éphémérité, sur une utopie possible, mais plus concrètement sur l'échange et le don universel. C'est un pied de nez à la rapidité et une ouverture sur le don de soi à la nature. Chacun de nous est un jardinier planétaire, pour reprendre les mots de Gilles Clément, nous sommes tous concernés par cette situation écologique.
L'accumulation presque excessive, voire obsessionnelle, de ces quelques 200 bocaux (exposés pour la première fois pour Banquet, l'investissement dans l'excès), révèle d'un profond sentiment d'espoir quant à la nécessité de donner vie à nos envies d'émerveillement. Cette collection botanique est précieuse de par sa provenance et son histoire, elle est un banquet pour les yeux et peut, si l'investissement le permet, en devenir un pour la bouche. Elle peut être considérée comme le résultat d'une pratique assidue ou comme le point de départ d'un nouvel engagement. Il suffit d'une graine pour nourrir un peuple.
Sans titre (le collier dit de la reine)
photographie 1,54 x 1,15 cm, Agnès Propeck
AGNÈS PROPECK
Plasticienne et photographe, Agnès Propeck travaille sur les significations passés, présentes et en devenir des objets. Elle construit des mises en scène subtiles, sobres et touchantes. Elle qui - selon Emmanuelle Lequeux - “sait dégager une douce poésie du minimal des choses” est, plus qu’une faiseuse d’image, une faiseuse de sens.
Le collier de la reine, véritable objet d’une cristallisation des excès politiques de Louis XV à Louis XVI, est ici rabattu dans une version collier de nouilles, qui s’amuse des signes distinctifs du pouvoir.
Agnès Propeck expose régulièrement en France et à l'étranger, dans des musées, galeries et festivals - récemment dans le cadre des Transphotographiques de Lille, Arles / Marseille 2013, ainsi qu'au Festival chinois de Lianzhou -. Plusieurs de ses photographies ont déjà rejoint d'importantes collections françaises.